23 Janvier 2019
El très de Mayo est une oeuvre majeure de Francisco de Goya. Peinte en 1814, elle témoigne de l'engagement des madrilènes contre les forces de Napoléon. En 1808, ce dernier place à la tête de l'Espagne son frère, Joseph Bonaparte, mais le 02 mai 1808, le peuple de Madrid se soulève contre l'occupant français, déclenchant la guerre d'indépendance qui gagnera tout le pays. Cette rébellion fut sévèrement réprimée par les troupes du général Murat. Dans la nuit du 02 au 03 mai, environ 400 personnes seront exécutées.
Pour comprendre le contexte de la presence française en Espagne, une excellente explication en vidéo mise en ligne à l'occasion de la publication de l'ouvrage collectif, Histoire mondiale de la France aux éditions du Seuil.
1808 : Napoléon et l'Espagne, une histoire atlantique
Goya a réalisé deux tableaux en 1814 : le premier représentant le 02 mai 1808 la charge des Mamelouks (des soldats turcs incorporés à l'armée napoléonienne) et le second, l'exécution des révoltés espagnols par les soldats français le 03 mai.
L'oeuvre de Goya va inspirer de nombreux artistes ; le premier sera Edouard Manet avec l'exécution de Maximilien (1868) par un peloton d’exécution républicain à Mexico.
Pablo Picasso a souvent peint la guerre et la douleur des populations civiles, comme Guernica. En 1951, alors membre du parti communiste français, il peint Massacre en Corée pour dénoncer la politique des Etats-Unis, engagés depuis 1950 dans une guerre contre les communistes nord-Coréens (guerre de Corée : 1950-1953).
Les civils espagnols peints par Goya sont ici remplacés par des femmes nues et des enfants, renforçant la cruauté de la scène.
Yue Minjun est un artiste contemporain, célèbre pour ses personnages hilares. En 1995, il a peint l'exécution où 4 condamnés presques nus font face à un peleton d'exécution en civil, aux fusils invisibles. L'un des boureaux reprend une pause identique au tableau de Manet. Tous rient à gorge déployée. La scène semble se dérouler sur la place Tian'anmen à Beijing devant un des murs de la cité interdite. Même si Yue Minjun s'en défend, il rappelle les évenements terribles de 1989 durant lesquels les autorités chinoises ont sévèrement réprimé des manifestations étudiantes qui demandaient des réformes politiques et démocratiques. Aujourd'hui la censure chinoise interdit toute évocation de ces évenements qui n'ont pas existés selon le pouvoir communiste. C'est cela que représente Yue Minjun : des exécutions sans fusils, des soldats sans uniformes, des rires mais pas de larmes.
Yue Minjun est célébré partout dans le monde. Il a fait l'objet d'une grande exposition en 2012-2013 à la Fondation Cartier. Il évoque dans cette vidéo son travail et quelques unes de ses œuvres.
De l'Espagne du début du XIXe siècle à la Syrie du XXIe siècle. Le lien se fait grâce à Tammam Azzam, artiste syrien réfugié à Dubai, qui a mis son art au service de son peuple pour dénoncer les violences commises par le régime de Bachar al-Assad. Il a ainsi détourné le tableau de Goya, situé ici, non pas à Madrid, mais dans une rue dévastée de Syrie. Les soldats napoléoniens sont désormais remplacés par ceux de l'armée syrienne et les madrilènes par le peuple d'Alep, de Damas ou encore Homs qu'on exécute et comme l'a dit T. Azzame : "Syrias is living The third of May every day but no one stops it".