10 Décembre 2018
"Ces femmes et ces enfants ont été classés "inaptes au travail" à leur arrivée à Auschwitz-Birkenau. Ils attendent à proximité du four crématoire IV pour être gazés. La grande majorité n'avait aucune idée de ce qui les attendait". Album d'Auschwitz. Yad Vashem, World center for Holocaust.
1,1 million de personnes ont été exterminées à l'intérieur du camp mixte d'Auschwitz-Birkenau, 90 % étaient juives. Ce vaste complexe concentrationnaire nazi, étendu sur des milliers d'hectares, était constitué de nombreux sites dont les 3 camps : Auschwitz, Birkenau et Monowitz . L'extrait vidéo du cycle documentaire d'Emil Weiss, Destruction, montre bien l'immensité de ce lieu.
A départ "Il n’était pas question que l’extermination des juifs se fasse à Auschwitz. C’est seulement après la conférence de Wannsee (20 janvier 1942) qu’ils virent différemment Auschwitz, l’intégrèrent dans leur plan d’élimination des juifs d’Europe et qu’on commença à construire des chambre à gaz dans le camp. Auschwitz fut désigné comme le camp qui devait recevoir les déportés en provenance de l’ouest et du sud de l’Europe, en raison de ses liaisons ferroviaires. Le lieu avait des voix de chemins de fer liées avec différents endroits. Ainsi la plupart des juifs français, néerlandais, belges et quasiment la totalité des juifs de Hongrie allaient être envoyés à Auschwitz." Source : le camps d'Auschwitz, jusqu'au dernier.
"Deux des frères et soeurs de Lili Jacob, Sril et Zelig. Ils furent gazés peu de temps après leur arrivée". Album d'Auschwitz. Yad Vashem, World center for Holocaust.
"Après la première étape de la sélection où sont séparés, d'un côté les hommes et, de l'autre, les femmes et les enfants, cette photo montre la seconde étape de la sélection, c'est à dire le moment où le médecin SS fait la distinction entre ceux qu'ils considèrent "inaptes" au travail (la plus grande majorité) et ceux à qui l'on confiera une tâche, les "aptes" au travail. (...) Etaient considérés comme "inaptes", les vieillards ou ceux qui avaient une apparence chétive, les femmes avec des enfants, les enfants qui paraissaient avoir moins de 16 ans, les invalides et les handicapés. Il est à souligner que dans les autres camps de mise à mort (Chelmno, Belzec, Sobibor, Lublin-Majdanek), tous les juifs étaient directement dirigés vers les chambres à gaz, à l'exception de quelques-uns qui étaient utilisés durant un bref moment pour les opérations relatives à la liquidation des cadavres, notamment." M.Pezzetti et S.Zeitoun, Analyse et commentaire sur l'Album d'Auschwitz
"L'Album d'Auschwitz ne montre pas les morts mais les vivants ; il témoigne de l'humanité à laquelle nous appartenions et dont les nazis avaient voulu nous éliminer. En contemplant ces photographies, nous ne pouvons qu'être frappés par ces gestes familiers : geste de mère, d'angoisse, d'amour. Et surtout le geste des enfants : ces enfants qui étreignent leur mère, cette petit fille qui enfouit sa main dans sa bouche, ce petit garçon au regard farouche qui, les mains enfoncées dans ses poches, dévisage l'appareil photographique, ce frère qui tient, serrée dans la sienne, la main de son cadet (...). Ces photographies sont d'une importance cruciale : elles incarnent les mots, elles montrent les visages, elles sont une preuve incontestable de ce qui devait être effacé de la mémoire des hommes". Simone Weil, déportée à Auschwitz à 17 ans.
C'est Lili Jacob, une jeune fille juive rescapée, qui a découvert l'album au camp de Dora en 1945. Ces photographies, prises par des SS, témoignent de l'arrivée à Auschwitz de plusieurs convois de juifs hongrois. Elles révèlent les quelques heures précédant le meurtre dans les chambres à gaz de la plupart d'entre eux. Lili Jacob faisait partie de ce convoi. Le quotidien Le Monde propose quelques-uns de ces clichés sous la forme d'un portfolio avec un commentaire expliquant les différentes étapes pour les déportés de leur arrivée à leur extermination. L'Album d'Auschwitz est également disponible presque en intégralité sur le site de Yad Vashem.
Mais pour plonger au coeur d'Auschwitz, il faut prendre le temps d'écouter ou de lire ceux qui sont revenus, ceux qui ont vécu l'horreur mais qui pourtant continuent à raconter : Ida Grinspan est une survivante de ce camp où elle a été déportée à l'âge de 14 ans. En 2013, elle venue témoigner auprès des élèves de 3e du collège Jules Verne. Avec son immense générosité, elle a accepté d'être filmée pour témoigner. Nous avons découpé son intervention en plusieurs parties : l'arrivée de ses parents à Paris et son enfance, comment sa vie a basculé, son arrestation, le convoi 68 vers Auschwitz, la première journée à Auschwitz-Birkenau, sa libération.
Si vous souhaitez encore mieux la connaître, vous pouvez lire J'ai pas pleuré, écrit en collaboration avec Bertrand Poirot-Delpech où elle dit, entre autre :
« N’être qu’un numéro, ne rien posséder de personnel qu’une gamelle et une cuillère, avoir constamment faim, toujours froid durant les longs hivers, être épuisée, battue et craindre le pire à chaque instant…
Comment on résiste à tout cela ? Je n’ai pas de réponse, sinon qu’il a fallu une somme incroyable de hasards, de chances. La nature humaine a des ressources stupéfiantes.
Nous qui sommes rentrés, nous sommes des témoins-acteurs. C’est pour les quatre-vingt-dix-sept pour cent d’assassinés que nous racontons inlassablement. L’oubli serait aussi intolérable que les faits eux-mêmes».
Je vous conseille un superbe livre de Jean-Claude Moscovici, Voyage à Pitchipoï (édition l'école des Loisirs) qui raconte avec des mots simples son enfance durant la guerre, la déportation de sa famille, l'antisémitisme des nazis et de certains français, la déportation à Drancy avec sa petite soeur, le retour "miraculeux" de sa mère... mais pas de son père.