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Le blog de Laurent Schietecatte, professeur d'histoire-géographie au collège et au lycée Jules Verne (Nantes)

Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion entrent au Panthéon

Une du quotidien Ouest France du dimanche 24 mai 2015

Une du quotidien Ouest France du dimanche 24 mai 2015

Le Panthéon, qui a vocation à honorer les grands personnages marquant de l'histoire de France, n'accueille que deux femmes pour 71 hommes : la première, Sophie Berthelot y est pour ne pas être séparée de son mari et la seconde, Marie Curie, deux fois prix Nobel, pionnière de la physique nucléaire.

Quatre illustres figures de la résistance les rejoindront à partir du 27 mai 2015 : deux hommes, Jean Zay et de Pierre Brossolette, et deux femmes, Geneviève de Gaulle-Anthonio et Germaine Tillion.

Le journal de France 3 revient sur le parcours de ces deux combattantes.

L'entrée de Geneviève de Gaulle-Anthonioz et de Germaine Tillion au Panthéon est un hommage rendue aux femmes dans la Résistance. L'entretien qui suit avec Alya Aglan, professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne, revient sur leur rôle pendant la guerre.

Quel rôle ont joué les femmes dans la Résistance ?

Un rôle très important. Elles en sont, d’une certaine manière, les pionnières. Car, dans la phase de pré-organisation de la Résistance, elles ont contribué à la création des filières d’évasion, dès juin 1940, en faveur des prisonniers de guerre internés avant leur transfert en Allemagne. Sous couvert de bonnes œuvres, les femmes peuvent entrer dans les camps, fournir des vêtements civils, nourrir et cacher, notamment dans les couvents ou institutions religieuses, des évadés.

Ces filières serviront ensuite à quoi ?
À évacuer des pilotes tombés sur le sol français, des clandestins « brûlés », des réfugiés et des persécutés. La plus connue de ces filières est la ligne d’évasion Comète, qui s’étend de la Belgique à l’Angleterre via Gibraltar. Elle a été fondée en 1941 par la jeune Andrée De Jongh. La présence des femmes est à la fois essentielle et invisible ou essentielle parce qu’invisible. Le plus souvent agents de liaison, elles reconstituent le lien social mis à mal par l’Occupation.

Elles vivent dans quels milieux ?
Tous les milieux – ouvrier, bourgeois, intellectuel – sont concernés par l’activité résistante de même que le phénomène traverse toutes les orientations politiques d’avant-guerre.

Suivaient-elles les règles d’une guerre classique ? Avaient-elles reçu une formation militaire ?
La Résistance a mobilisé des civiles dans une guerre clandestine, inscrite dans le quotidien, constituée de tracts, de renseignements, d’entraide. Quelques femmes ont reçu, en Angleterre, une instruction pour assurer les liaisons radio (codage, décodage) et un entraînement, comme les hommes, en vue d’un parachutage en France. Cas singulier, la chimiste Jeanne Bohec, parachutée en mai 1944, a assuré la formation d’équipes de saboteurs dans le Morbihan avant de rejoindre le maquis de Saint-Marcel, près de Malestroit.

Des résistant(e) s communistes devaient accomplir un « travail allemand » ?
Très périlleux, il a été proposé à des germanophones, notamment autrichiens ou allemands antinazis. Il s’agissait d’approcher des soldats allemands dans le but de les démoraliser par un discours de propagande, de les utiliser comme source d’information ou bien d’infiltrer les services des autorités occupantes.

La Résistance extérieure comptait-elle beaucoup de femmes ?
Elles constituent, au printemps 1943, la moitié des effectifs administratifs de Carlton Gardens, quartier général gaulliste, et la majorité des effectifs du Bureau central de renseignement et d’action. La France libre a compté près de 1 800 femmes, jeunes pour la plupart, engagées plus de trois mois au titre civil et militaire (Air-Terre-Mer) pour la durée de la guerre.

Quelles étaient leurs missions ?
Secrétaires, chiffreuses, conductrices, mécaniciennes, photographes, rédactrices, cuisinières aussi sont rassemblées dans le Corps des volontaires françaises, fondé en novembre 1940, et dotées d’un statut militaire en décembre 1941. La création, en janvier 1944, des Auxiliaires féminines de l’Armée de terre permet d’y intégrer les volontaires d’Afrique du Nord. Un second Corps est créé en octobre 1941, formé d’assistantes sociales et d’infirmières. Il faut y ajouter de rares pilotes, instruites et entraînées avec les femmes britanniques, à qui on attribue des missions de transport aérien. Sur les théâtres d’opération, on trouve quelques ambulancières.

À la Libération, a-t-on donné des responsabilités aux rescapées du conflit ?
Les femmes ont acquis le droit de vote par l’ordonnance du 21 avril 1944, après de vifs débats au sein de l’Assemblée consultative provisoire d’Alger. Et ont intégré l’armée. Un petit nombre d’entre elles ont, comme Gilberte Brossolette, commencé une carrière politique à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Diriez-vous, après l’historienne Mona Ozouf, que « les femmes sont les agents secrets du passé » ?
Elles transmettent, dans une trop grande discrétion, tout un héritage de valeurs qui devient ainsi un gage d’avenir.

Recueilli par Pascale MONNIER (Ouest France, dimanche 24 mai 2015)

Entretien avec Georges Walter diffusé en 1987 dans "Mémoires du siècle" sur France Culture

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